Futurs contingents

Futurs Contingents est un ensemble de textes, parus entre 2005 et 2010 dans la revue Social-Traître, qui doit se lire comme un seul et même écrit, puisqu'il a toujours été déjà pensé, dès son origine, comme tel. Il y est question d'une autre ouverture au monde et aux autres, non sans risque, qui mène à l'irréversible.
L'intégralité du recueil en libre accès

Qui suis-je ?

Je ne suis pas français, ni même européen, encore moins citoyen du monde. Je n’habite pas ici, je ne suis pas de là-bas ou d’ailleurs, je suis de nulle part. Je n’habite pas le neuf-trois, le neuf-quatre ou Paris, je n’ai pas de crew, de clan ou de team. Je ne suis pas mes parents, d’ailleurs je n’ai pas d’enfance ni même de souvenirs. Je ne suis pas Blanc, Noir ou Arabe, je ne viens d’aucun milieu, ni pauvre ni riche ; je ne corresponds pas à ma classe, ou plutôt je suis à la fois aristocrate, prolétaire et bourgeois. Je n’ai pas de culture, celle-ci – quelle qu’elle soit – m’étouffe et m’oppresse. 

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Eveil

Grains, doux, durs, draps, papier peint, épaisseur sensuelle des choses, texture de la matière, lumière du jour qui filtre, cillements des yeux, battement de paupières. L’œil s’ouvre, la pupille se contracte, reçoit sans comprendre l’image des choses qui l’entourent. Sensation désarticulée de la position du corps, saisie graduelle de son emplacement, des objets qui occupent la pièce, regards égarés sur la chambre qui se règlent peu à peu selon l’ordonnancement de la veille. 

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Hors du monde

C’est quoi exactement, « se sentir hors du monde », « ne plus croire au monde ? », « Être perdu dans le monde, étranger parmi les siens ? » Ça n’a rien d’extraordinaire, rien de métaphysique, ou de « mystique. » Pas de surnaturel, non ; encore moins une richesse cachée, un privilège d’élites ou un secret d’initiés. Ce sont des choses toutes bêtes, parfois drôles, parfois pénibles, souvent pénibles, pas vraiment faciles à vivre tous les jours. 

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Amitiés éthyliques

– On va encore être complètement bourré.

– Et alors ? T’aimes plus ça, être bourré ?

– Non, plus vraiment. C’est fatigant... à la longue.

– Commence pas à faire le peine à jouir, hein ? C’est pas parce que tu te poses des questions qu’il faut oublier le corps. Faut savoir distinguer entre les préoccupations de la chair et ceux de l’esprit. Ce n’est pas la même chose. Suffit de faire la différence et à chaque jour sa peine. Y’a pas mal à se faire du bien, à se mettre la tête à l’envers de temps en temps. Tu sais quoi ? On va aller se finir dans un bar, se mettre minable une bonne fois pour toutes, et on reparlera de tes problèmes existentiels.

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Propédeutique de l’ivresse

Être saoul, vraiment saoul. Être ivre non pas au point d’éprouver « le vrai goût du passage du temps », mais au contraire, de se sentir de toute éternité, capable de saisir l’insaisissable, l’immanence la plus absolue, la densité intangible de la pierre, la présence verticale de l’arbre, le souffle vital de l’animal, l’âme incarnée, l’esprit en contemplation. Rien de moins. Épreuve d’une vérité difficilement accessible par d’autres voies. Toute une discipline, une méthode, un protocole à respecter. 

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Troubles de la jouissance

Des millions d’électrons parcourent la peau. Le corps se dépèce tout entier pour se transformer en courants, ondes, particules, variations, réceptacles à décharges électriques ; les membres tremblent, les sens déboussolés s’exaspèrent en excitations magnétiques.

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Gros et demi-gros

– Ça devient insupportable, cette manie, cette obsession qu’ont les proches de vouloir sans cesse que tu changes ; de faire en sorte, par des allusions détournées ou par de francs reproches, que tu deviennes quelqu’un d’autre. À croire qu’ils se réunissent en conciliabule, pour parler de toi et de décider ce que tu devrais être, indépendamment de ta volonté ou de tes incapacités.

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Le Syndrome de la langouste

Fatigué. Mort. Épuisé, crevé, vidé. Lessivé. À bout. Bon pour la poubelle. Le lit ou le cercueil. À quoi ça rime tout ça ? À quoi ça sert ? Ils ont raison. Celui qui la ramène veut juste qu’on l’aime. Rien de plus. Tout le reste n’est que prétexte. Aigri, bileux, en manque d’affection. Pathétique. Veut juste sa part du gâteau, sa place au soleil. Son bout de bonheur à lui. Il faut oublier toutes les luttes du passé. Ne plus rêver d'un avenir improbable. Être dans le présent, tout simplement. Être plus modeste aussi. 

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Jusqu'au bout

Hagard au milieu des arbres et des bancs, cherchant inutilement un endroit où se poser, se reposer. Chaque pensée rebondit vainement sur l’écorce démultipliée des platanes dispersés. Fatigue incommensurable, sentiment familier de totale vacuité, de vacuité intime jusqu’à la perversion. Comme un trou dans un tronc, une béance sans nom à la place du thorax. La métaphore de la perdition dans la forêt se dévoile : chaque arbre est un obstacle au regard, au sens de la direction, à la perspective. Plus à l’aise en plein désert.

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Futurs Contingents

Terrasse d’été, voiture rutilante garée, fin briquet sur cigarillos brun qui dégage sa fumée ocre ; la vie comme ce cigare, prise avec complaisance et délectation ; esquisse de sourire, image de réussite affichée. Signature en vue.

Œil livide, sentiment de malaise, déchaussement ontologique, fuite de l’être, pierre dans l’estomac, regard soutenu, inquiet, dans le miroir. Le questionnement inévitable, la réponse qui ne vient pas. La salive amère, l’haleine d’alcool et de tabac, la chemise mal ajustée, le col rebelle, une veste étrangère jetée sur les épaules. Porte claquée comme une sentence.

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BIOGRAPHIE

Frédéric Gournay est né en 1969 et habite Paris. Il est auteur de romans (La course aux étoiles, Le mal-aimant, Contradictions, Faux-Frère), de divers essais (sur Rimbaud, Nietzsche, Céline, Gauguin, Flaubert, Guy Debord ou encore Pierre Guyotat). Il a également publié dans la presse et sur internet des articles et des critiques, rassemblés dans des recueils intitulés Chroniques des années zéro, Textes en liberté et Futurs Contingents.

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